Pièce #5

    CRISPR-Cas9 : ce ciseau moléculaire capable de corriger les gènes suscite espoirs et craintes

    – SudOuest.fr 2017 –

    Cette technique révolutionnaire permet de “couper” une partie indésirable du génome, pour “coller” à sa place un nouveau morceau d’ADN.

    Fera-t-on un jour naître des bébés exempts de toute maladie génétique, comme dans le film de science-fiction “Bienvenue à Gattaca” ?

    Pour l’heure, pour la première fois, grâce à une technique qui soulève autant d’espoirs que de questions éthiques, des chercheurs sont parvenus à corriger des gènes porteurs d’une maladie héréditaire dans des embryons humains.

    Vers des “bébés OGM” ?

    Ces travaux sur une sorte de ciseau moléculaire, au nom aussi barbare qu’imprononçable, CRISPR-Cas9, ont été publiés mercredi dans la revue Nature. Ils n’en sont qu’à un stade très préliminaire mais ouvrent potentiellement la voie à de grands progrès dans le traitement des maladies génétiques.

    Ils suscitent aussi des inquiétudes éthiques dignes du “Meilleur des mondes” d’Aldous Huxley. Car théoriquement, cette technique pourrait servir à produire des bébés génétiquement modifiés afin de choisir la couleur de leurs cheveux ou d’augmenter leur force physique.

    Mais la recherche sur les embryons humains est strictement encadrée et il n’était pas question d’implanter ceux de l’étude dans l’utérus d’une femme pour entamer une grossesse. C’est pourquoi les scientifiques ne les ont pas laissés se développer plus de quelques jours.

    Cette méthode, qui nécessite encore de nombreuses recherches, “peut potentiellement servir à prévenir la transmission de maladies génétiques aux générations futures”, a commenté l’un des auteurs de l’étude, Paula Amato. Mais cette perspective est encore lointaine : “Des recherches supplémentaires ainsi qu’un débat éthique seront évidemment nécessaires avant des essais cliniques”.

    Une sorte de “couper-coller” de l’ADN

    L’étude a été menée au sein de l’université des Sciences et de la Santé d’Oregon (OHSU) aux Etats-Unis par des scientifiques américains, chinois et sud-coréens. L’outil utilisé est la technique CRISPR-Cas9, découverte majeure dévoilée en 2012. Elle est basée sur une enzyme qui agit comme des ciseaux moléculaires. Ces derniers peuvent enlever des parties indésirables du génome de façon très précise pour les remplacer par de nouveaux morceaux d’ADN : une sorte de “couper-coller”, comme on peut en faire dans n’importe quel logiciel de traitement texte.

    L’équipe de chercheurs a utilisé cet outil révolutionnaire pour corriger, dans des embryons humains, le gène porteur de la cardiomyopathie hypertrophique, maladie cardiaque héréditaire peut entraîner des morts subites, notamment lors de la pratique d’un sport.

    Le résultat a été concluant. 72% des embryons (42 sur 58) ont ainsi été corrigés. Mais “ces outils peuvent encore être améliorés pour atteindre un taux de réussite de 90 voire 100%”, prédit un autre auteur de l’étude, Shoukhrat Mitalipov.

    Mais est-ce “acceptable” ?

    Reste que “la question qui sera la plus débattue est de savoir si le principe même de modifier les gènes d’un embryon in vitro est acceptable”, analyse un expert indépendant, le professeur Darren Griffin. Or selon lui, “une autre question doit entrer en ligne de compte : est-il moralement juste de ne pas agir si nous avons la technologie pour prévenir ces maladies mortelles ?”

    En décembre 2015, un groupe international de scientifiques réunis par l’Académie américaine des sciences (NAS) avait estimé qu’il serait “irresponsable” d’utiliser la technologie CRISPR pour modifier l’embryon à des fins thérapeutiques tant que des problèmes de sûreté et d’efficacité n’auraient pas été résolus.

    Mais en mars dernier, la NAS et l’Académie américaine de médecine ont estimé que les avancées dans ce domaine “ouvraient des possibilités réalistes qui méritaient de sérieuses considérations”.

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