Des ordinateurs qui calculent à la vitesse de la lumière. C’est bientôt possible.
– Up-magazine Info 2017 –
Rien ne va plus vite que la lumière. Imaginez un instant qu’on puisse la stocker dans des supports informatiques. Le résultat en termes de puissance et de rapidité de calcul serait phénoménal. C’est ce qu’essaient de faire depuis de longues années plusieurs laboratoires à travers le monde. Le problème est que la lumière va tellement vite que les processeurs les plus évolués n’ont pas le temps de traiter l’information. Il faut donc ralentir la lumière. C’est l’exploit qu’ont réussi des chercheurs australiens. Ils ont eu l’idée de transformer la lumière en ondes sonores. En quelque sorte, ils ont transformé la foudre en tonnerre et l’ont stocké sur un système informatique.
Des chercheurs du Centre de physique laser de l’université nationale australienne ont réalisé un exploit historique : transformer de l’information optique en information acoustique, stockable dans une puce électronique. L’étude, publiée le 18 septembre dernier dans Nature communications, constitue une avancée essentielle pour le développement de circuits intégrés photoniques, c’est-à-dire de puces électroniques qui utilisent la lumière au lieu des électrons pour gérer de l’information.
Les ordinateurs photoniques, comme leur nom l’indique, traitent les données sous forme de photons plutôt que d’électrons. Cette différence en fait des ordinateurs vingt fois plus rapides que n’importe quel ordinateur actuel. Cerise sur le gâteau, ils ne produisent pas de chaleur et sont donc, à l’inverse des calculateurs ordinaires, moins gourmands en énergie et en climatisation. C’est bien pour la planète.
Les grands constructeurs travaillent donc depuis longtemps sur la conversion des ordinateurs vers le photonique mais cela est plus facile à dire qu’à faire. En effet, coder l’information en photons est assez facile – nous le faisons déjà lorsque nous envoyons de l’information par fibre optique.
Mais trouver un moyen pour qu’une puce d’ordinateur puisse récupérer et traiter l’information stockée dans des photons est un exploit, pour la seule raison qui rend la lumière si attrayante : elle est trop rapide pour que les puces existantes puissent la lire.
Ce que l’on fait en général, et notamment quand la lumière transite à travers de la fibre optique pour véhiculer les données d’internet par exemple, c’est de ralentir sa course en la transformant en électrons lents. Mais le résultat est insatisfaisant. En effet, dans les puces traditionnelles, on ralentit les électrons, mais à mesure qu’on veut augmenter la rapidité de nos dispositifs, la chaleur associée à l’électronique devient ingérable et la puce incapable de traiter et d’extraire l’information.
Or, on sait que la meilleure méthode serait de convertir la lumière en son.
C’est exactement ce que les chercheurs de l’Université de Sydney, en Australie, ont fait : « L’information contenue dans notre puce sous forme acoustique circule à une vitesse de cinq ordres de grandeur plus lente que dans le domaine optique », a déclaré Birgit Stiller, superviseure de projet. Elle ajoute : « C’est comme la différence entre le tonnerre et la foudre. »
Cela signifie que les ordinateurs pourraient bénéficier des avantages des données fournies par la lumière – des vitesses élevées, pas de chaleur causée par la résistance électronique, et pas d’interférence des rayonnements électromagnétiques – mais seraient également en mesure de ralentir ces données suffisamment pour que les puces d’ordinateurs puissent faire quelque chose d’utile avec elle.
« Pour que les ordinateurs à base de lumière deviennent une réalité commerciale, les données photoniques sur la puce doivent être ralenties afin qu’elles puissent être traitées, acheminées, stockées et accessibles », a déclaré au site spécialisé phys.org, l’un des membres de l’équipe de recherche, Moritz Merklein.
Comment les chercheurs ont-ils réussi leur prouesse ? L’équipe a mis au point un système dans lequel l’information photonique entre dans la puce sous forme d’une impulsion lumineuse, interagit avec une impulsion d’écriture et produit une onde acoustique qui stocke les données. Une autre impulsion de lumière accède alors à ces données sonores et les transmet à nouveau sous forme de lumière.
Alors que la lumière traversera la puce en 2 à 3 nanosecondes, une fois stockée sous forme d’onde sonore, l’information peut rester sur la puce pendant environ 10 nanosecondes, suffisamment longtemps pour qu’elle puisse être récupérée et traitée.
La réussite des chercheurs est d’avoir suffisamment ralenti les ondes lumineuses pour les transformer en ondes acoustiques. « Construire un amortisseur acoustique dans la puce améliore notre capacité à contrôler l’information à différents ordres de magnitude », explique le chercheur M. Merklein. Les grandes compagnies d’informatique, telles qu’IBM ou Intel, rêvaient de tels dispositifs. Pour le Professeur Benjamin Eggleton, du CUDOS (Centre of Excellence for Ultrahigh bandwidth Devices for Optical Systems), « c’est une étape importante dans le domaine du traitement de l’information optique, car ce concept remplit toutes les conditions pour les systèmes de communications optiques des générations actuelles et futures ».