Un médicament “Big Brother” débarque aux États-Unis
Courrier International 2017
Pour la première fois une pilule “numérique” vient d’être autorisée aux États-Unis. Elle permet aux médecins de voir si leurs patients prennent correctement leur traitement.
Voilà une nouvelle qui ne manquera pas de soulever des questions éthiques, en particulier en ce qui concerne le respect de la vie privée. L’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) vient d’autoriser l’utilisation d’une pilule “numérique”.
Équipée de capteurs à base de silicone, de cuivre et de magnésium – des ingrédients comestibles sans danger – elle permet la surveillance du suivi du traitement prescrit par votre médecin.
Baptisée Abilify MyCite et produite par les sociétés japonaise Otsuka Pharmaceutical et californienne Proteus Digital Health, cette pilule “est approuvée pour le traitement de la schizophrénie, le traitement aigu d’épisodes maniaco-dépressifs associés à des troubles bipolaires et en traitement d’appoint pour la dépression chez l’adulte”, précise la FDA dans un communiqué.
Un patch et une appli
“Selon la FDA, la pilule est équipée d’un capteur qui envoie des informations à un patch [collé sur la peau], qui peut ensuite les transmettre [par Bluetooth] à une application sur smartphone ou au soignant qui suit le patient”, relaie le site Gizmodo.
Les personnes qui accepteront de prendre cette version numérique du médicament antipsychotique actuellement commercialisé sous la marque Abilify pourront signer un document “autorisant leur médecin et jusqu’à quatre autres personnes, incluant des membres de leur famille, à recevoir les données électroniques montrant la date et l’heure auxquelles les pilules ont été ingérées”, précise le The New York Times.
Pour Peter Kramer, psychiatre et auteur de Prozac : le bonheur sous ordonnance ?, l’idée d’“emballer un médicament avec un mouchard” suscite des interrogations. “Cela ressemble à un outil potentiellement coercitif”, confie-t-il au quotidien de New York.
Améliorer l’adhésion au traitement ?
Ameet Sarpatwari, professeur de médecine à l’Harvard Medical School, estime de son côté que cette pilule pourrait contribuer à améliorer la santé publique, en particulier pour les patients qui veulent prendre leur traitement mais qui l’oublient. Mais s’il est mal utilisé, “ce médicament pourrait favoriser la méfiance plutôt que la confiance”, ajoute-t-il.
Il n’existe pour le moment pas de données suggérant que ce type de médicament connecté améliorera l’adhésion des patients à leur traitement. Selon Robert McQuade, vice-président d’Otsuka Pharmaceutical, cité par le New York Times, des études seront menées dès que les ventes auront commencé.
Le quotidien américain rappelle qu’il existe déjà des capteurs pouvant être utilisés à l’intérieur du corps, mais c’est la première fois qu’ils sont embarqués directement dans une pilule aux principes actifs. Jusqu’à présent, ils étaient encapsulés et pris “à côté” d’un autre médicament.