Les ingrédients de la vie découverts dans de minuscules météorites tombées sur Terre
Paru sur up-magazine.info | 14.01.2018 | Alexandre Aget
En 1998, deux météorites contenant un mélange fascinant de produits chimiques se sont écrasées sur Terre. Elles ont été pieusement conservées pendant des années sans que l’on sache ce qu’elles contenaient. Mais aujourd’hui, sur la base d’une nouvelle analyse permise par les appareils les plus sophistiqués disponibles actuellement, les scientifiques ont montré que ces petites roches contiennent tous les ingrédients nécessaires pour faire naître la vie partout où elles atterrissent, et qu’elles ont peut-être voyagé depuis un monde océanique lointain.
Dans une scène toute droit sortie d’un film de Steven Spielberg, l’une des météorites s’était écrasée sur le terrain de basket sur lequel s’amusaient des enfants au Texas, tandis que l’autre, semble-t-il sa sœur jumelle, a atterri au Maroc. Maintenant, nous en savons plus sur ce qui les rend si spéciales. Ces deux roches spatiales contiennent de l’eau liquide et les composés organiques dont la vie a besoin pour s’épanouir, ce qui en fait les premières météorites à être trouvées avec ces deux types d’ingrédients ensemble.
« C’est vraiment la première fois que nous trouvons une matière organique abondante associée à l’eau liquide qui est vraiment cruciale pour l’origine de la vie », explique la scientifique Queenie Chan de l’Open University au Royaume-Uni. « Nous y avons cherché les ingrédients biologiques qui peuvent mener à l’origine de la vie. » Ces ingrédients organiques comprennent les acides aminés nécessaires à la formation des protéines, ainsi que le carbone, l’oxygène et l’azote.
« Ce qui rend notre analyse si spéciale, c’est que nous avons combiné un grand nombre de différentes techniques de pointe pour étudier de façon exhaustive les composants organiques de ces minuscules cristaux de sel », précise Queenie Chan. Les chercheurs ont ainsi notamment utilisé les rayons X de l’Advanced Light Source (ALS) du Lawrence Berkeley National Laboratory en Californie pour identifier les composés et découvrir cette combinaison d’ingrédients vitaux. Yoko Kebukawa, professeur agrégé d’ingénierie à l’Université nationale de Yokohama au Japon, a conduit les expériences. La ligne de faisceaux équipée de ce microscope à rayons X (un microscope à rayons X à transmission par balayage, ou STXM) est utilisée en combinaison avec une technique connue sous le nom de XANES (spectroscopie d’absorption des rayons X près de la structure des bords) pour mesurer la présence d’éléments spécifiques avec une précision de dizaines de nanomètres (des dizaines de milliardièmes de mètre).
Soigneusement conservés depuis 1998 au Centre spatial Johnson de la NASA au Texas, les fragments de cristaux analysés n’étaient pas plus grands qu’une fraction de la largeur d’un cheveu humain. Ils ont été analysés dans un milieu strictement stérile, à l’abri de la moindre poussière.
Et bien qu’elle ne prouve pas que la vie existe en dehors de la Terre, cette découverte établit certainement la possibilité d’une vie extraterrestre. L’équipe pense que ces roches pourraient provenir d’un monde océanique formé au début du système solaire, vraisemblablement de la planète naine Cérès située dans la ceinture d’astéroïdes.
Une des hypothèses est que des jets de glace ou d’eau provenant de l’activité volcanique sur Cérès auraient pu imprégner ces roches d’un mélange aussi riche en composés. D’autres matières organiques auraient pu être ajoutées par une collision avec un autre objet comme l’astéroïde Hébé, disent les chercheurs, car ces roches ont volé dans l’espace.
Ce que les scientifiques ont trouvé dans les minuscules cristaux de sel bleu et violet des météorites suggère également qu’ils proviennent d’une source similaire, et leurs parents astéroïdes peuvent avoir partagé, d‘une certaine manière, le même passé lointain.
Les traces microscopiques d’eau trouvées dans les fragments pourraient remonter à la naissance de notre système solaire, il y a 4,5 milliards d’années. « C’est comme une mouche prise dans de l’ambre », dit David Kilcoyne du laboratoire de Berkeley.
Ce qui rend les résultats si passionnants, c’est leur utilité pour la recherche future. Les scientifiques font allusion à des éléments de la vie ayant existé depuis longtemps dans l’histoire, ils peuvent nous en apprendre davantage sur la façon dont les objets qui entrent en collision dans l’espace partagent la matière organique, et ils sont la preuve que les graines de la vie existant sur une planète peuvent trouver leur chemin vers une autre.
« Tout mène à la conclusion que l’origine de la vie est vraiment possible ailleurs », s’enthousiasme Queenie Chan. La recherche a été publiée le 10 janvier dans Science Advances.