La Corée du Nord aurait réussi à miniaturiser une arme nucléaire
– Le Figaro 2017 –
Pyongyang a annoncé avoir procédé dimanche au plus puissant essai nucléaire de son histoire. Après cette provocation de Kim Jong-un, l’Amérique mais aussi la Chine hésitent sur la conduite à tenir. Selon Séoul, un nouveau tir de missile balistique est en préparation.
Avec la précision d’un métronome, Kim Jong-un accélère son cavalier seul atomique. Dimanche, à midi pile, le «leader suprême» nord-coréen a appuyé sur le bouton nucléaire pour la quatrième fois de son règne commencé en 2011, affirmant avoir testé une bombe H sur le site de Punggye-ri. Le régime a qualifié ce sixième essai de son histoire de «réussite totale», lors d’une annonce triomphale prononcée par la speakerine vedette de la télévision d’État, une revenante à l’antenne pour ce grand rendez-vous à la gloire de la seule dynastie communiste de la planète. Cette explosion souterraine a déclenché un tremblement de terre de magnitude 6,3 et n’a infligé aucun «dommage écologique», s’est même vanté Pyongyang, affirmant son bon droit au mépris des résolutions de l’ONU qui lui interdit tout programme atomique et balistique. Selon le voisin sud-coréen, la Corée du Nord est parvenue à miniaturiser une arme nucléaire et plusieurs signes montrent qu’un nouveau tir de missile balistique est en préparation.
La détonation ressentie dimanche jusqu’en Chine était dix fois plus puissante que le précédent essai conduit en septembre 2016, selon les calculs des sismographes de l’US Geological Survey. L’estimation est encore incertaine, la Corée du Sud parle d’une puissance estimée à 50 kilotonnes, soit cinq fois plus puissant que le dernier test.
Ce grand bond en avant permettrait d’augmenter fortement la puissance des armes atomiques nord-coréennes, dont les précédentes explosions étaient équivalentes à la bombe d’Hiroshima. «Cela leur permettrait d’infliger des dégâts considérables. Nous devons assumer que ce que les Nord-Coréens disent est vrai et qu’ils progressent à grande allure», juge Chad O’Carroll, directeur du Korea Risk Group, un cabinet d’analyse basé à Séoul.
La veille, le quotidien officiel du Parti des travailleurs, le Rodong Sinmun, avait dévoilé une photo du jeune «maréchal» examinant un engin présenté comme une bombe à hydrogène, capable d’être montée sur une ogive de missile balistique intercontinental (ICBM). Une arme thermonucléaire à double détonation et d’une puissance destructrice bien supérieure à la bombe A classique. Pyongyang affirme désormais que ses engins fabriqués selon la technologie du «Juché», cette idéologie autarcique nationale, sont capables d’être miniaturisés et montés sur un ICBM avec une «crédibilité garantie». Quelques heures plus tard, l’explosion à Punggye-ri, dans le nord-est du pays, semblait confirmer cette étape clé en vue d’atteindre le Graal du régime, la détention d’une force de frappe crédible.
Les experts occidentaux accueillent avec prudence ces affirmations triomphalistes, car cet essai souterrain garde ses secrets enfouis, malgré l’envoi d’avions espions «renifleurs», en quête de fuites radioactives qui pourraient offrir des informations clés sur les avancées réelles du programme de l’État paria. «Il est impossible de confirmer qu’il s’agit bien d’une détonation thermonucléaire, mais il faut prendre cet essai très au sérieux. C’est en ligne avec leur précédent progrès. Et cela va accroître encore la confiance de Kim», juge John Nilsson-Wright, expert au think-tank londonien Chatham House.
Nouvelle étape
Quelques jours après le test d’un missile balistique qui avait survolé le Japon, cette nouvelle étape déclenche la colère d’une communauté internationale impuissante face au trublion. Shinzo Abe, le premier ministre nippon, a dénoncé un acte «absolument inacceptable», quelques heures après s’être entretenu avec le président Donald Trump, pour réaffirmer l’alliance américano-japonaise.
À Séoul, le président Moon Jae-in a placé les forces militaires en alerte et appelé le Conseil de sécurité de l’ONU, qui se réunira en urgence lundi, à imposer de nouvelles sanctions visant à «isoler» totalement le Nord. Le dirigeant sud-coréen a également demandé à Trump le déploiement «d’atouts stratégiques» sur son territoire pour dissuader Pyongyang, dont l’artillerie lourde menace sa capitale. Sous la pression croissante du camp conservateur qui réclame le retour d’armes atomiques américaines sur la péninsule, voire le développement d’une bombe sud-coréenne, l’administration de centre gauche négocie le déploiement régulier de chasseurs furtif F35 et F22 américains, avec, à la clé, de massives commandes d’armes auprès de Washington.
La Chine, seule alliée de la Corée du Nord, a également «vigoureusement» condamné les «mauvaises initiatives» de son protégé, promettant une application sans faille des sanctions. En France, le président Emmanuel Macron a appelé la communauté internationale «à la plus grande fermeté».
Provocation atomique
Mais les chancelleries ont attendu dimanche avec anxiété la réaction de Donald Trump qui avait promis le «feu et la colère» au dictateur en cas de provocation atomique, le mois dernier. Accaparé par la tempête Harvey, le «commander in chief» s’est fendu de tweets laconiques dénonçant un «État voyou», pointant le manque d’engagement de la Chine et évoquant un arrêt des échanges avec tout pays faisant des affaires avec Pyongyang. Comme un disque rayé. «Ce test réduit encore ses options. Kim démontre qu’il sait prendre des risques calculés, bien plus que son père», juge Nilsson-Wright. Alors que Kim Jong-il avait joué de la bombe comme d’une carte de négociation jusqu’à sa mort en 2011, son fils a accéléré le programme atomique et balistique, multipliant des essais, notamment d’ICBM, cette année, ignorant les mises en garde de la Maison-Blanche. «La campagne touche bientôt à sa fin. Ils vont conduire encore un ou deux tests de missiles pour récolter des données. Puis ils seront prêts à négocier en position de force en exigeant la reconnaissance de leur statut de puissance nucléaire comme le Pakistan ou l’Inde» prédit O’Carroll. Une exigence jugée inacceptable à Washington, où les faucons partisans d’une frappe préventive sont en embuscade.