Les États-Unis et Israël se retirent de l’Unesco
Le Figaro 2017
C’est une décision comme les aime Donald Trump : spectaculaire, définitive, justifiée par des considérations chères à son électorat, mais dont les conséquences seront en réalité limitées, du fait de la situation existante. En notifiant officiellement jeudi le retrait des États-Unis de l’Unesco, le secrétaire d’État, Rex Tillerson, crève un abcès qui s’infectait depuis six ans. Israël a été le seul pays à saluer cette décision, avant d’annoncer, par la voix de son premier ministre, qu’il se retirait de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la sciences et la culture qui, à ses yeux, a fait ses dernières années une place trop grande aux Palestiniens.
«Cette décision n’a pas été prise à la légère », affirme Heather Nauert, la porte-parole du département d’État, citant «l’accumulation préoccupante d’arriérés » américains auprès de l’institution, «la nécessité d’une réforme fondamentale » et son «continuel travers anti-israélien ». Washington entend adopter le statut d’«observateur » non-membre une fois le divorce consommé, le 31 décembre 2018. L’Unesco est actuellement en train de sélectionner son prochain directeur général, après huit ans de mandat de la Bulgare Irina Bokova. Deux candidats font la course en tête : l’ancienne ministre de la Culture française Audrey Azoulay et le diplomate qatarien Hamad bin Abdulaziz al-Kawari.
L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, dont le siège est à Paris, a été fondée sous l’impulsion des États-Unis en 1945 pour promouvoir la démocratie, l’éducation et les droits de l’homme – des ambitions devenues secondaires aux yeux de Donald Trump. En marge de sa mission visant au classement de sites au patrimoine mondial, cette annexe de l’ONU a souvent dérivé vers la politique, accueillant la Palestine comme un État à part entière en 2011 et rejetant le Kosovo à trois voix près en 2015. Sous Ronald Reagan, les États-Unis s’en étaient déjà retirés, en 1984, dénonçant un penchant procommuniste. Il avait fallu attendre George W. Bush, en 2002, pour que Washington reprenne sa place.
500 millions de dollars d’arriérés
Une loi datant des années 1990 a forcé la main de Barack Obama en 2011: elle interdit aux États-Unis de financer toute agence de l’ONU accueillant les Palestiniens comme membres. Washington a dès lors cessé de payer sa cotisation, plus de 70 millions de dollars par an, représentant 22 % du budget de l’institution. Deux ans plus tard, les États-Unis ont perdu leur droit de vote à l’assemblée générale, tout en gardant une voix au conseil exécutif. Les arriérés dépassent désormais 500 millions de dollars, une hémorragie que Tillerson veut stopper. Et l’Unesco n’a pas arrangé son cas en inscrivant cette année la ville de Hébron au patrimoine palestinien, dont Israël contrôle le tombeau des Patriarches.
La décision américaine a été accueillie avec «un profond regret » par Irina Bokova et comme «une perte pour le multilatéralisme ». De New York, le représentant de la France à l’ONU, François Delattre, a rappelé que les missions de l’Unesco sont «dans l’ADN des États-Unis, comme de la France » et, à l’heure où «ces valeurs sont contestées, nous avons besoin que l’Amérique reste engagée dans les affaires du monde ». Donald Trump avait prévenu Emmanuel Macron fin septembre, quand celui-ci lui avait demandé de soutenir la candidature d’Audrey Azoulay. Ce vendredi, Donald Trump devrait «décertifier » l’accord nucléaire passé en 2015 avec l’Iran, nouveau revers pour le multilatéralisme.