Des nanoparticules cachées dans nos assiettes
60 millions de consommateurs – 2017
100 % des bonbons et gâteaux que nous avons testés contiennent du dioxyde de titane sous forme « nano ». Contrairement aux dires des fabricants.
Mise à jour du 18 mai 2018 :
Vers l’interdiction des nanoparticules de dioxyde de titane dans les aliments ?
Le gouvernement pourrait suspendre l’utilisation des nanoparticules de dioxyde de titane comme additif alimentaire d’ici la fin de l’année. La secrétaire d’État Brune Poirson l’a annoncé dans les colonnes du Parisien vendredi 18 mai, neuf mois après nos tests montrant leur présence dans des bonbons et gâteaux.
Toutefois, cette suspension concernerait uniquement les aliments, alors que les nanoparticules de dioxyde de titane sont également présentes dans certains médicaments et produits cosmétiques.
Article :
Voilà des années que l’industrie agroalimentaire assure ne pas utiliser d’ingrédients à base de nanoparticules – à savoir des substances (oxyde de fer, silicium, dioxyde de titane, etc.) dont les plus petites particules ont un diamètre inférieur à 100 nanomètres (nm), soit un dix-millionième de mètre.
Soucieux de vérifier ces allégations, nous avons lancé des analyses sur dix-huit produits sucrés. Notre choix s’est porté sur des bonbons, des gâteaux et des desserts glacés particulièrement appréciés des enfants et susceptibles de contenir du dioxyde de titane (le colorant E171) sous forme nanoparticulaire.
Des nanos dans 100 % des produits testés
Résultat ? Tous nos échantillons, sans exception, contiennent des nanoparticules de dioxyde de titane ! La mention « [nano] » aurait donc dû figurer sur leurs étiquettes, conformément au règlement européen Inco. Or, tel n’est pas le cas. Soit les marques ignorent cette présence dans les ingrédients qu’elles utilisent, soit elles nient le problème…
Pour en avoir le cœur net, nous avons contacté une quinzaine d’entreprises agroalimentaires sur leur usage des nanomatériaux (additifs, nanotextures, ingrédients nanoencapsulés). Près de la moitié d’entre elles nous ont répondu, toutes affirmant ne pas utiliser de nanomatériaux. Y compris les entreprises dont les produits de notre test présentent des nanoparticules de dioxyde de titane…
Mauvaise foi ou ignorance ? Impossible à savoir. Peut-être que les industriels n’ont pas accès à toutes les informations auprès de leurs fournisseurs. Peut-être aussi s’abritent-ils derrière une définition de la Commission européenne datant de 2011, selon laquelle un matériau est « nano » s’il contient « au minimum 50 % de particules de dimensions comprises entre 1 nm et 100 nm ». Le règlement européen Inco ne prévoit pourtant aucun seuil minimum !
Réellement inoffensives, les nanos ?
Utiliser les matériaux sous forme de « nanos » offre des propriétés nouvelles : dans les aliments, les nanoparticules aident à modifier la couleur, l’odeur, la fluidité ou encore la texture. Ainsi, le dioxyde de titane (E171) sous forme nano optimise l’aspect blanchissant de ce colorant pour les glaçages et enrobages de produits sucrés ; il aide aussi à empêcher l’oxygène et l’humidité d’altérer le produit.
Mais au-delà de leur utilité technologique, il faut savoir si l’ingestion de nanoparticules est réellement inoffensive. Les études actuelles ne permettent pas encore de le savoir, mais l’étau se resserre autour de certaines substances comme ce fameux dioxyde de titane.
E171, un additif préoccupant
En avril dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) rendait en effet un avis plutôt alarmant sur le dioxyde de titane, à la suite d’une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) publiée en janvier 2017. Les chercheurs ont fait ingérer à des rats du dioxyde de titane contenant 40-45 % de nanoparticules, à des doses proches de celles que l’homme peut ingérer. Après cent jours d’exposition, ils ont observé que le dioxyde de titane entraînait dans le côlon une croissance accélérée de lésions initialement bénignes comme les polypes.
Aucune conclusion n’est toutefois établie pour l’homme sur ce potentiel effet « promoteur » de la cancérogenèse du E171. Ni sur d’autres résultats non moins préoccupants, tels que le passage des nanoparticules de cet additif à travers la barrière intestinale. D’autres études sont nécessaires pour confirmer ces premiers résultats. Les choses évoluent donc doucement. Mais en attendant que la transparence s’impose, le plus sage pourrait être de bannir les aliments contenant les additifs suspects.