Accidents de destroyers américains : la piste des cyberattaques
– Le Parisien 2017 –
Des navires de guerre américain ont été victimes d’une série d’incidents ces derniers temps en Asie, dont une collision meurtrière cette semaine au large de Singapour, ce qui oblige l’US Navy à se demander si elle pourrait être victime de cyberattaques.
Quatre accidents depuis le début de l’année 2017, dont deux mortels. Dans l’océan Pacifique, les navires américains de l’US Navy traversent une série noire, suscitant des interrogations sur une possible opération de cyberattaque en cours. Certains spécialistes jugent improbable que des personnes ou entités mal intentionnées puissent orchestrer un tel accident, compte tenu des systèmes de sécurité américains et de la logistique qu’il faudrait déployer pour faire converger deux navires. Mais pour d’autres, il n’est pas satisfaisant d’imputer la série noire à l’erreur humaine ou à la coïncidence.
Lundi, le destroyeur USS John S. McCain est entré en collision avec un pétrolier alors qu’il faisait route vers Singapour pour une halte de routine. Dix marins ont été portés disparus et cinq ont été blessés avant que l’US Navy n’annonce mardi que des dépouilles avaient été retrouvées par les plongeurs.
«Nous n’écartons aucune piste»
Interrogé sur le sujet, l’amiral Scott Swift, commandant de la flotte Pacifique, s’est refusé à exclure un acte de sabotage. «Nous n’écartons aucune piste», a-t-il éludé. Le chef des opérations de la marine américaine, l’amiral John Ridcharson, n’a pas non plus exclu qu’une cyberattaque puisse expliquer l’accident. «Nous envisageons toutes les possibilités, a-t-il déclaré. Comme nous l’avons fait avec le Fitzgerald.»
Deux mois auparavant, le 17 juin, sept marins avaient péri dans un accident entre le destroyer USS Fitzgerald et un porte-conteneurs au large du Japon. Deux autres incidents, davantage passés inaperçus, sont survenus cette année dans le Pacifique. En janvier, l’USS Antietam s’est échoué près de sa base japonaise et en mai l’USS Lake Champlain est entré en collision avec un navire de pêche sud-coréen. Il n’y a pas eu de victimes.
Itar Glick, chef de l’entreprise de cybersécurité Votiro, établie en Israël, estime possible que les systèmes GPS des bâtiments américains aient été sabotés en vue de provoquer des erreurs de calcul dans les positions. «Je crois que des pirates pourraient tenter de le faire. Et s’ils sont soutenus par un Etat, ils pourraient disposer des ressources nécessaires pour organiser ce type d’attaque», assure-t-il.
La Corée du Nord, déjà suspectée de plusieurs cyberattaques
Itar Glick, qui indique avoir travaillé pour les renseignements israéliens, juge que la Chine et la Corée du Nord seraient alors les coupables les plus vraisemblables. Cette dernière a été soupçonnée dans une série de cyberattaques récentes, y compris le piratage de Sony Pictures en 2014 et le vol de millions de dollars à la banque centrale du Bangladesh, et les tensions entre Pyongyang et Washington sont à des sommets alors que la première avance à grand pas dans ses programmes nucléaire et balistique.
Jeffery Stutzman, directeur des opérations de renseignement de la société américaine de cybersécurité Wapack Labs, explique qu’il pense «entièrement possible» qu’une cyberattaque ait provoqué la dernière collision. «Je serais très étonné s’il s’agissait d’un cas d’erreur humaine, pour la quatrième fois consécutive», ajoute-t-il.
Un haut niveau de sécurité à déjouer
Toutefois, d’autres doutent d’un tel scenario. D’après Zachary Fryer-Biggs, du consultant Jane’s by IHS Markit, même si une anomalie survenait sur le système GPS d’un navire, d’autres mécanismes de sécurité sont là normalement pour prendre le relais, comme les tours de garde. «La collision ne peut survenir qu’en cas d’échec de plusieurs autres mécanismes», conclut-il. Daniel Paul Goetz, de la société américaine Lantium, renchérit, expliquant qu’il serait compliqué de provoquer un accident car cela supposerait de connaître la localisation et la vitesse exactes des deux vaisseaux en cause. Il met aussi en exergue la sophistication des équipements américains. «L’armée US se sert d’un système GPS hautement sécurisé, hautement codé. Les risques de voir quelqu’un s’emparer du contrôle d’un bâtiment de guerre sont proches de zéro», affirme-t-il. Sans mettre pour autant un terme à ces interrogations.