Des bactéries modifiées pour produire de l’énergie verte
– Up magazine 2017 –
La photosynthèse est la source d’énergie la plus répandue sur Terre. La nature a créé de véritables centrales à énergie solaire dans les plantes. Le processus repose sur la chlorophylle, ce pigment vert conçu pour récolter la lumière du soleil. Un bémol à ce miracle : seulement 10 % de l’énergie solaire est convertie en énergie, ce qui est un ratio plutôt faible au regard des standards industriels. Alors pourquoi ne pas moderniser la photosynthèse naturelle afin que les humains puissent capturer et utiliser l’énergie du soleil de manière plus efficace ? C’est ce qu’ont fait des chercheurs de l’université de Californie en inventant une bactérie cyborg très spéciale.
Kelsey K. Sakimoto, chercheur au laboratoire de Peidong Yang à l’Université de Californie à Berkeley, vient de proposer une nouvelle alternative à la photosynthèse naturelle : des bactéries cyborg crées pour se couvrir de panneaux solaires beaucoup plus efficaces que la chlorophylle. « Plutôt que de compter sur la chlorophylle inefficace pour récolter la lumière du soleil, j’ai enseigné aux bactéries comment cultiver et couvrir leur corps avec de minuscules nanocristaux à semi-conducteurs, a déclaré Sakimoto dans un communiqué de presse. Ces nanocristaux sont beaucoup plus efficaces que la chlorophylle et peuvent être cultivés à une fraction du coût des panneaux solaires actuellement fabriqués ».
Changement climatique oblige, les humains cherchent à trouver des alternatives aux combustibles fossiles en tant que sources d’énergie et de matières premières pour la production chimique. Beaucoup de scientifiques ont travaillé à créer des systèmes photosynthétiques artificiels pour générer des énergies renouvelables et des produits chimiques organiques simples utilisant la lumière du soleil. Des progrès ont été réalisés, mais les systèmes ne sont pas suffisamment efficaces pour la production commerciale de carburants et de matières premières.
L’étude a été présentée en août 2017 à l’American Chemical Society. Financée par le ministère américain de l’Énergie et National Science Foundation, la recherche menée dans le laboratoire de Yang à Berkeley, où Sakimoto a obtenu son doctorat, se concentre sur l’exploitation de semiconducteurs inorganiques qui peuvent capturer la lumière du soleil apportés à des organismes tels que des bactéries. Celles-ci peuvent ensuite utiliser l’énergie pour produire des produits chimiques utiles provenant du dioxyde de carbone et de l’eau. « La recherche dans mon laboratoire consiste essentiellement à « suralimenter » les bactéries non-photosynthétiques en leur fournissant de l’énergie sous la forme d’électrons à partir de semi-conducteurs inorganiques, comme le sulfure de cadmium, qui sont des absorbeurs de lumière efficaces », déclare le professeur Peidong Yang. « Nous recherchons maintenant des absorbeurs de lumière plus répandus que le sulfure de cadmium pour fournir aux bactéries de l’énergie à partir de la lumière ».
Kelseyu Sakimoto a travaillé avec une bactérie non-photosynthétique naturelle, Moorella thermoacetica, qui, dans le cadre de sa respiration normale, produit de l’acide acétique à partir de dioxyde de carbone (CO 2). L’acide acétique est un produit chimique polyvalent qui peut être facilement transformé en plusieurs combustibles, des polymères, des produits pharmaceutiques et des produits chimiques de base grâce à des bactéries complémentaires et génétiquement modifiées.
Lorsque Sakimoto a utilisé comme « aliment » pour ses bactéries du cadmium et l’acide aminé cystéine, qui contient un atome de soufre. Les bestioles ont alors synthétisé des nanoparticules de sulfate de cadmium (CdS), qui fonctionnent comme des panneaux solaires sur leurs surfaces. Apparaît alors un organisme hybride, M. thermoacetica -CdS, qui produit de l’acide acétique à partir du CO2, de l’eau et de la lumière. « Une fois recouverts de ces minuscules panneaux solaires, les bactéries peuvent synthétiser les aliments, les carburants et les plastiques, tous utilisant de l’énergie solaire », dit Sakimoto. « Ces bactéries sont plus performantes que la photosynthèse naturelle » soutient-il.
En effet, la productivité de ces bactéries hybrides est supérieure à 80% et le processus est auto-répliquant et auto-régénérant, ce qui en fait une technologie à zéro déchet. Alors, ces hybrides inorganiques-biologiques ont-ils un potentiel commercial ? « J’espère bien ! » clame le chercheur. « De nombreux systèmes actuels de photosynthèse artificielle nécessitent des électrodes solides, ce qui coûte énormément. Nos biocarburants d’algues sont beaucoup plus attrayants, car tout l’appareil chimique à base de CO 2 est autonome et nécessite seulement une grande quantité de chaleur du soleil. » Le scientifique souligne toutefois que le système nécessite encore des ajustements pour syntoniser les semi-conducteurs et les bactéries. Il suggère également qu’il est possible que les bactéries hybrides qu’il a créées puissent avoir des analogues naturels. « Une direction de recherche future, si ce phénomène existe dans la nature, serait de bioprospecter ces organismes et de les utiliser ».